Sommes-nous tous égaux face à la sécurité ?

Usage des nouvelles technologies, nouveaux métiers, respect de la vie privée et des libertés individuelles, accompagnement au changement, cyberprotection… Le thème de la sécurité intérieure pose de vastes questions. Le débat avec Alexandra Herman, Directrice Sécurité intérieure et Cédric Francis, Vice-Président Senior Secteur public ​​au sein de CGI Business Consulting.

Quel est, selon vous, le bon usage des nouvelles technologies en matière de sécurité ?

Alexandra Herman : L’innovation doit avant tout servir l'action des forces de sécurité intérieure comme levier d’efficience sur le terrain. Chez CGI Business Consulting, notre travail auprès de nos clients, en tant que consultants en organisation et management, consiste notamment à proposer des méthodologies et des solutions, certes innovantes, mais qui répondent avant tout à un besoin concret. Comme par exemple, le Passenger Name Record (PNR), un dispositif qui collecte et exploite les données de voyage aérien à des fins de lutte anti-terroriste et contre la grande criminalité aux services des besoins multi-forces en matière de sécurité.

Cédric Francis : L’analyse de la data, l’intelligence artificielle, la biométrie ou l’automatisation logicielle sont des technologies désormais indispensables pour améliorer la sécurité des Français, y compris au niveau cyber. Mais sans transformation à la fois méthodologique, organisationnelle et humaine, elles ne pourront atteindre leurs objectifs. C’est pour cette raison que l'humain est toujours au cœur des dispositifs que nous proposons à nos clients.

Comment assurer la protection des données personnelles et de la vie privée ?

Cédric Francis : En amont de toutes nos interventions, nous traitons aussi bien les aspects de respect de la vie privée et des libertés individuelles, de protection des données personnelles et de la sécurité des systèmes d'information, en particulier avec deux acteurs clés que sont la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) et l'ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information).

Alexandra Herman : C’est un vrai sujet ! Je pense que la réglementation européenne pour la protection des données (ndlr RGPD) est un garde-fou efficace qui permet justement d'encadrer la façon dont on collecte, conserve et exploite les données. Mais cela se joue aussi dans la conception des systèmes que l'on met en place sur le terrain, comme par exemple la vidéoprotection. Ces outils sont paramétrables pour masquer les zones de la sphère privée que les forces de sécurité n'ont pas à connaître. Je pense aussi à des dispositifs de filtrage de l'information au sein des systèmes d’information, dès la collecte des données, pour éviter d’identifier les orientations politique, religieuse ou sexuelle du citoyen.

Cédric Francis : Sans oublier l’importance de conserver un contrôle humain sur ces traitements et les prises de décision associées.

Peut-on anticiper les évolutions des pratiques des forces de sécurité ?

Alexandra Herman : Tout à fait ! Mais ça passe par la prévision, la programmation et aussi l'analyse des transformations en cours. L'idée, c'est que les forces de sécurité – qu'elles soient publiques ou privées d’ailleurs, puissent s'adapter aux nouveaux outils de manière structurée et en prenant en compte les pratiques métier sur le terrain. Et pour cela, il y a des temps incompressibles de recrutement, d’acquisition de nouvelles compétences et de formation interne. C’est un vaste chantier que le ministère de l'Intérieur, notamment, a totalement pris en compte mais ce sont des transformations qui s'inscrivent dans le temps et qui se travaillent en amont. Dans un environnement concurrentiel envers les ressources les plus rares, travailler sa marque employeur et l’attractivité des postes constitue donc un enjeu majeur.

Cédric Francis : La conduite du changement est justement au cœur de ces grandes transformations. Une fois que l'expression des besoins et la finalité ont été définies, il faut accompagner les utilisateurs sur la durée pour une meilleure efficience et un redéploiement des forces de sécurité intérieure sur leur cœur de métier. Toutes les activités sont concernées : gendarmerie, police nationale, police municipale. Globalement, ce sont près de 500 000 personnes qui interviennent dans le domaine de la sécurité intérieure publique et privée. Les leviers comme la gestion des compétences, la formation initiale et continue, la fidélisation et la valorisation des métiers sont fondamentaux dans un contexte de raréfaction des candidatures.

La sécurité, c’est l’affaire de tous ?

Alexandra Herman : Bien sûr ! Pour exemple, la sécurité est au centre des préoccupations de l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques à Paris, en 2024. Les forces de l’ordre et de sécurité privée seront massivement mobilisées pour sécuriser la compétition. Mais la vigilance de tous sera indispensable, y compris pour lutter contre les cyberattaques. Et là, le levier de la sensibilisation est crucial car les risques se trouvent dans nos mains : nos ordinateurs, nos téléphones portables, nos objets connectés.

Cédric Francis : La sécurité est bien entendu l’affaire de tous les citoyens. Ceux-ci peuvent être engagés pour « coproduire » la sécurité, notamment via les réserves de la gendarmerie et de la police nationale, les réserves cyber et autres. Aujourd'hui, il y a environ un quart de la population qui est engagée via des dons ou des engagements associatifs, ce qui témoigne d’une volonté de la population de prendre sa part aux initiatives de notre société. Dans le courant de cet engagement, les réserves sont un des vrais liens pour dynamiser aussi la relation entre les forces de sécurité intérieure et les citoyens.