Depuis des décennies, les sociétés du secteur de l’énergie et des services publics investissent dans des infrastructures pour recueillir, stocker, analyser et utiliser des données. Aujourd’hui, les consommateurs avertis de l’ère du numérique et les technologies infonuagiques avancées stimulent la demande de données rentables et à jour, auxquelles les intervenants peuvent accéder et qu’ils peuvent utiliser. Par conséquent, la gouvernance des données fait moins l’objet de conversations sur les technologies de l’information que d’échanges sur les modèles de propriété d’entreprise. Dans ce contexte, quel rôle joue la gouvernance des données, qui en est responsable et de quelle façon contribue-t-elle aux activités des sociétés énergétiques et de services publics? Dans notre plus récent épisode du balado Parlons transition énergétique, Peter Warren explore ces questions avec Diane Gutiw et Paul Kulpas, experts en analyse de données.

Les données foisonnent dans le domaine de l’énergie et des services publics. Le défi consiste à savoir où elles se trouvent, à y accéder rapidement, à s’assurer qu’elles sont exactes et à les utiliser pour orienter les décisions. 

Plusieurs facteurs stimulent la demande de données dans l’industrie, notamment les attentes des consommateurs, la rentabilité des technologies et des décennies d’investissement dans la collecte de données. Selon Diane Gutiw, les conditions sont réunies pour une « tempête parfaite qui rendra l’analyse des données omniprésente dans l’avenir des industries ».

Les consommateurs qui utilisent le numérique s’attendent à ce que leurs fournisseurs d’électricité personnalisent leurs services et proposent diverses options pour une énergie plus intelligente, plus écologique et moins coûteuse. Le nuage est un autre « accélérateur de données », car il permet de compiler et de présenter l’information plus facilement et plus rapidement aux différents utilisateurs. Ces facteurs façonnent et normalisent les attentes de ceux-ci en matière de données auxquelles ils peuvent facilement accéder, qu’ils peuvent comprendre rapidement et en lesquelles ils peuvent avoir confiance pour éclairer leurs décisions et leurs actions.

La propriété des données passe des TI aux fonctions d’affaires

Traditionnellement, les données et les outils utilisés pour les extraire relevaient des TI. Aujourd’hui, les spécialistes en analyse d’affaires et les dirigeants d’entreprise se préoccupent cependant davantage de la propriété de données en raison de leur valeur commerciale. Les organisations du secteur de l’énergie et des services publics changent conséquemment leur façon de faire. Par exemple, ils font appel à de nouveaux services, à de nouvelles succursales et expertises (p. ex. les grands utilisateurs) axés sur la numérisation et l’analyse, tandis que les TI offrent maintenant davantage une plateforme de stabilisation et de soutien. 

Les sociétés d’énergie et de services publics créent également des tableaux de bord plus interactifs pour permettre aux dirigeants de suivre le cheminement de ces données et leur utilité. « C’est le véritable virage que prennent toutes les plateformes technologiques, souligne Diane Gutiw, et l’infonuagique accélère de plus en plus le processus. » Elle ajoute que la clé est le libre-service, peu importe le poste occupé (p. ex. expert en science des données, analyste d’affaires, cadre, etc.). 

La confiance à l’égard des données exige une bonne gouvernance

Instaurer la confiance à l’égard des données exige une gouvernance dans l’ensemble de l’organisation. À mesure que la propriété des données passe des TI aux fonctions d’affaires, l’entreprise doit également en faire la gestion. « Au bout du compte, tout le monde doit comprendre d’où proviennent les données, quelle en est la valeur et en quoi elles peuvent favoriser la prise de bonnes décisions », explique Paul Kulpas. Les gens doivent savoir évaluer la valeur des données; elles peuvent être moins solides, mais utilisables pour l’analyse directionnelle, ou n’être simplement pas prêtes à être disséminées à plus grande échelle.

« À mesure que nous recueillons plus de données organisationnelles, nous nous efforçons de les extraire de façon ciblée. » Pour ce faire, il faut se concentrer sur le rendement rapide du capital investi et répondre aux questions clés de façon itérative, puis progressive afin d’élargir la plateforme de données et d’obtenir une vision à l’échelle de l’entreprise. Par exemple, les données provenant de l’Internet des objets et des compteurs sont vastes. « Toutefois, si vous avez besoin de ces données ou si vous avez une interrogation qui repose sur elles, vous pouvez les extraire de façon ciblée », explique Mme Gutiw. Elle ajoute que certaines composantes de l’architecture d’un lac de données permettent aux organisations d’importer des données non structurées, puis de décider lesquelles promouvoir dans un entrepôt de données ou une couche sémantique en contexte d’entreprise. 

Paul Kulpas mentionne que les praticiens peuvent commencer à modéliser les données dans le lac et créer de nouveaux objets, intégrés à toutes les sources. « La valeur commerciale de cette initiative a été très révélatrice pour bon nombre de nos clients. » Il souligne de plus que dans l’optique de la gouvernance des données, « nous découvrons qu’il s’agit en fait d’un continuum où la saisie des données est tout aussi importante que leur analyse ». 

Commencer par les données « assez fiables »

Une autre tendance veut que les données « assez fiables » soient un excellent point de départ plutôt que d’attendre qu’elles soient parfaites. L’utilisation précoce d’une plateforme d’analyse comportant des données « assez fiables » permet aux organisations de déterminer la qualité de l’information et de comprendre comment la normaliser. Par exemple, si un service public recueille des données d’Internet des objets à différents intervalles de temps, il peut déterminer comment les normaliser de manière significative. 
« J’aime rappeler que lorsque l’on vise la perfection, il est parfois parfaitement trop tard, indique Peter Warren. Par exemple, savoir quels compteurs intelligents transmettent leurs données chaque nuit suffit pour que la compagnie d’électricité sache si un compteur est fiable lorsqu’elle reçoit un appel pour une panne. Ainsi, l’agent du centre d’appels est en mesure de poser des questions. Cela a permis à un client d’économiser un million de dollars (CA) par année en évitant le déplacement inutile de camions. » 

Gérer une plateforme de données comme on gère un produit

Selon Diane Gutiw, un enjeu clé de la transformation de la gouvernance des données est de savoir comment on gère cette plateforme de données comme un produit. Dans l’analyse agile, il y a la propriété du produit. Le système source ou le cas d’utilisation a un propriétaire de produit, mais la plateforme globale doit également être prise en charge.

« Il s’agit d’un modèle de gouvernance intéressant, car dans le secteur de l’énergie et des services publics, de nombreux systèmes sources différents gèrent différentes parties des opérations. La mise en place d’un groupe de gouvernance conjoint nécessite une certaine coordination; c’est pourquoi la gouvernance des données est si essentielle pour s’assurer que l’intégration progressive des données à l’échelle de l’entreprise est bien gérée », explique Mme Gutiw.

Paul Kulpas rappelle que « dans le secteur des services publics, particulièrement, il y a d’importants silos. Les données sont générées et transmises, et il n’y a pas beaucoup de communication entre les deux. Dès que l’on commence à décloisonner ces silos et à partager les données entre eux, de nouvelles perspectives s’ouvrent. »

Améliorer la santé et la sécurité grâce aux renseignements

Diane Gutiw donne des exemples sur la façon dont les données aident les sociétés d’énergie et les services publics à améliorer la sécurité des travailleurs. « Dans certaines provinces (au Canada) soumises à des conditions météorologiques extrêmes, elles permettent de savoir où sont les équipes en temps réel et de déployer les équipes de manière à [s’assurer] que la bonne personne se rend au bon endroit. » Se demander si quelque chose peut être fait virtuellement est un réflexe précieux qui peut permettre de recueillir à distance des données sur différents actifs dans des zones où il est dangereux d’envoyer quelqu’un sur un poteau, par exemple. Le fait de pouvoir utiliser des drones ou des données satellites pour obtenir l’information et la recueillir numériquement aide à éviter d’envoyer un humain dans une situation qui pourrait ne pas être sécuritaire en raison de la température ou de la logistique.

La gestion des contraintes en matière de ressources dans un contexte où les baby-boomers partent à la retraite est un autre domaine où les données permettent d’agir plus intelligemment, tout en favorisant l’automatisation et la collecte de données à distance pour soutenir les travailleurs. « Nous avons passé du temps dans les Prairies pour des tâches à distance et avons essayé de voir comment nous pouvons aider ces gens à obtenir de meilleures données en temps réel de façon plus automatisée », explique Mme Gutiw.

Qu’il s’agisse de réduire les coûts opérationnels, d’améliorer la santé et la sécurité ou de mieux servir les clients, les organisations du secteur de l’énergie et des services publics obtiennent des renseignements rapides et exploitables en s’appuyant sur leurs données. Évidemment, il reste encore du travail à faire. Comme le souligne Diane Gutiw, l’exigence des citoyens pour une prise de décisions axée sur les données sera « un véritable incitatif dans tous les secteurs d’activité pour mieux gérer nos données. » En ce qui concerne la gouvernance des données, l’analyse de données n’est pas la fin du processus, nous rappelle Paul Kulpas : « Il y a tellement d’occasions de créer des produits de données utiles au sein de l’organisation, tout en répondant à vos besoins en matière d’analyse. »
 

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