L’usine numérique, également appelée « usine du futur », est au cœur du parcours de transformation numérique des fabricants. Bien qu’elle présente de nombreux avantages, la transformation de l’atelier et son mode de fonctionnement holistique ne sont pas sans présenter certaines difficultés. Lors d’une allocution prononcée à l’occasion de l’événement « Le pouvoir de l’unification », Coen Huesmann de CGI, a analysé le concept « d’usine du futur », aux côtés du conférencier invité Ion Russu, chef des opérations de Butachimie, et de deux experts de CGI, Nathalie Guerrin et Jean-Louis Reynaud.

Le présent article présente les points forts de cette table ronde.

Une approche transversale et agile pour relever de nouveaux défis

« Si vous deviez construire une usine aujourd’hui, ce devrait être une usine connectée. Une usine où les données sont collectées en continu depuis tous les appareils de l’usine. Une usine qui serait commandée par les données, tout en étant alimentée par l’intelligence artificielle et des algorithmes qui s’améliorent constamment par l’apprentissage », explique Coen Huesmann. Dans l’usine du futur, de nombreux éléments doivent être pris en compte : l’intégration des technologies de l’information et des technologies opérationnelles, le niveau de migration des activités de production vers le nuage et les exigences de sécurité. Quelle expérience possède le fabricant multinational de produits chimiques Butachimie en matière d’exploitation et de valorisation de l’usine numérique?

Butachimie a débuté il y a trois ans en se fixant des « objectifs classiques » : devenir plus efficace, partager ses données avec les fournisseurs, réduire le temps d’exécution et améliorer les opérations. « Nous avons restructuré notre approche de manière à la rendre transversale et agile pour les technologies de l’information et les technologies opérationnelles, la sécurité et la mobilité sur le terrain », explique-t-il. Ion Russu ajoute que lorsque la pandémie a frappé, les bases numériques solides de l’entreprise lui ont permis de faire passer tous ses employés en télétravail en trois semaines. Selon lui, l’approche transversale et agile a aidé l’entreprise à faire face à de nouveaux défis, notamment la protection contre les cybermenaces qui n’ont cessé de se multiplier au cours des trois dernières années.

Anticiper les menaces de cybersécurité

La sécurité est un défi permanent pour les fabricants. Dans notre rapport La voix de nos clients CGI 2022, les grands dirigeants du secteur manufacturier citent la cybersécurité comme la tendance sectorielle ayant le plus d’incidence. Les usines numériques, les chaînes de valeur connectées et les écosystèmes plus ouverts et connectés ont élargi le spectre des menaces, obligeant les fabricants à être très vigilants et mieux préparés.

Fonctionner en toute sécurité avec des usines, des processus et du personnel hétérogènes demeure un exercice complexe. Ion Russu explique que l’approche de Butachimie pour assurer la sécurité de ses opérations s’articule autour de quatre domaines clés :

  1. la sécurité physique des employés
  2. la sécurité des processus
  3. la protection de la propriété intellectuelle
  4. la sécurité des technologies de l’information et des technologies opérationnelles

Il estime que la numérisation et l’automatisation sont essentielles pour assurer la sécurité physique et celle des processus. Les initiatives de Butachimie en matière de contrôle avancé des processus et d’informatique de pointe donnent des résultats probants; les deux programmes d’automatisation contribuant à améliorer l’efficacité, la productivité et le contrôle de la sécurité.

Pour protéger sa propriété intellectuelle, dit-il, l’entreprise a défini différents niveaux de sécurité. Il cite l’exemple du partage des plans techniques, dont certaines parties peuvent inclure des données de propriété intellectuelle de l’entreprise, avec divers fournisseurs. Butachimie a développé un logiciel avec ses partenaires qui repose sur le principe de l’accès sélectif. « Vous ne pouvez accéder qu’aux parties sur lesquelles vous travaillez et non à l’ensemble du document », explique Ion Russu. Le choix d’une approche numérique plutôt que papier permet aux fabricants de mieux définir ce qui peut être partagé.

Coen Huesmann fait observer que les fabricants se retrouvent dans une situation similaire lorsqu’ils installent de nouveaux appareils. « La plupart des fournisseurs de matériel ont accès à une partie de l’équipement pour pouvoir assurer une maintenance continue et préventive ou prédictive. Cela concerne l’accès aux données et à certains fichiers que vous souhaitez protéger », explique-t-il. Le secteur manufacturier évoluant de plus en plus dans des écosystèmes complexes, il va devenir essentiel de trouver un équilibre entre les exigences de sécurité et le besoin d’être « suffisamment ouvert », pour permettre des améliorations.

La valeur commerciale du développement durable

Elle est indiscutable. L’intégration du développement durable est essentielle pour permettre aux fabricants de tenir leurs engagements climatiques et obtenir une valeur commerciale à long terme. Ion Russu ajoute que Butachimie a sans conteste réussi à atteindre ses objectifs de développement durable en optimisant ses opérations par le numérique. « En 2019, nous avons fait évoluer notre technologie. Le passage à une nouvelle technologie pour notre usine nous a permis de réduire notre empreinte carbone de 15 % avec le même niveau de production », précise-t-il. L’entreprise poursuit cette transformation et se réjouit de ce qu’il sera possible de réaliser dans les 5 prochaines années.

Interrogé sur les difficultés à recruter, il répond : « Nous avons une véritable approche, avec des mesures concrètes, pour aller de l’avant et réduire de façon importante notre empreinte carbone et les autres émissions ou la pollution ». Selon lui, la capacité à faire preuve de durabilité séduit aujourd’hui nombre de personnes à la recherche d’un emploi et qui souhaitent donner un sens à leur travail.

Compte tenu de l’impact du secteur sur le changement climatique et du nombre croissant de technologies permettant d’atténuer la crise, Coen Huesmann donne le conseil suivant : « Si vous voulez vraiment contribuer à réduire l’empreinte environnementale, le secteur manufacturier est le meilleur choix ». Jean-Louis Reynaud est lui aussi convaincu du potentiel énorme de la technologie pour stimuler la durabilité, qu’il s’agisse d’optimiser les cycles de production et la consommation d’énergie, de réduire les émissions de gaz à effet de serre ou de prolonger la durée de vie des actifs grâce à la maintenance prédictive. « Ce sont des actions concrètes et non de l’écoblanchiment ». Il ajoute que cela peut motiver les jeunes générations à travailler dans le secteur manufacturier et faire évoluer les mentalités tout en aidant les fabricants à attirer de futurs talents.

Utiliser une approche agile pour intensifier l’innovation

Butachimie explore de nouvelles façons de faire progresser l’innovation grâce à une approche agile. « En développant les différents logiciels de protection de la propriété intellectuelle, nous avons réalisé que nous pouvions également les utiliser pour garantir une mobilité sécurisée », poursuit Ion Russu. L’entreprise a installé un réseau 4G privé pour sécuriser la mobilité sur les opérations de terrain. Grâce aux tablettes connectées, le personnel effectue désormais les tâches de maintenance, d’installation et d’inspection beaucoup plus rapidement. Cela signifie également que les ingénieurs n’ont plus besoin d’apporter leurs plans techniques en version papier sur le terrain, car ils peuvent accéder au format électronique en toute sécurité, depuis leur tablette. Bien que l’initiative n’en soit qu’à ses débuts, Ion Russu affirme avoir déjà constaté une diminution du temps d’exécution de 20 %.

Dans ses recommandations pour le lancement d’un projet de transformation numérique, il souligne qu’il est essentiel de parvenir à un consensus sur la stratégie, les priorités et les objectifs. Il ajoute que cette préparation est essentielle. « Préparez-vous, préparez-vous et préparez-vous. Cette préparation vous prépare à ne pas la respecter. Gardez cette agilité. »