Les innovations digitales, la transformation des usages et l’émergence de nouveaux acteurs ont profondément bousculé les entreprises. Cette triple transformation a d’abord démarré par les points de contact client. Marketing et publicité on-line, e-commerce, SAV et plateformes de relation à distance ont été les premiers à devoir se réinventer. Pour ainsi répondre à des clients qui, maîtrisant ces nouveaux outils, venaient remettre en cause l’équilibre traditionnel du rapport de force via des comparateurs de prix, des sites d’avis consommateurs ou encore les réseaux sociaux, formidables vitrines pour raconter  publiquement leurs déboires avec les marques.

Quatre piliers pour changer l’entreprise

Dans ce contexte, l’entreprise d’aujourd’hui n’a d’autre choix que d’être citoyenne, apprenante, horizontale et frugale.

  • Citoyenne, car le collaborateur, comme le client, exige de l’entreprise, sous peine de sanction, qu’elle adopte des comportements éthiques et assume ses responsabilités face aux grands enjeux de société : lutte contre les inégalités, le sexisme, le réchauffement climatique, etc.
  • Apprenante car l’accélération des innovations, l’obsolescence des modèles économiques et des compétences imposent une culture d’entreprise qui favorise l’innovation, la créativité, la circulation et l’exploitation rapide de l’information, la prise de décision plus collective et une gestion performante du capital des connaissances.
  • Horizontale, car cela correspond à un modèle managérial et à une gouvernance que réclament les collaborateurs, mais aussi parce que, face à la volatilité de l’activité, la rigidité d’une structure hiérarchique trop pyramidale n’est pas compatible avec la réactivité aujourd’hui indispensable.
  • Frugale enfin, car la contrainte sur les budgets, liée à la fois à un renforcement de la concurrence et à un environnement économique moins généreux et plus erratique correspond à une réalité durable plus qu’à une situation provisoire.

Les Ressources Humaines n’ont dans leur ensemble pas su anticiper ces transformations et ce mouvement qui allait directement les impacter. Face à ces enjeux, les RH ne peuvent faire l’économie d’une réflexion profonde sur leur métier, leur organisation, leur modèle opérationnel, leurs compétences, en un mot, sur leur contribution à la création de valeur et à leur rôle face aux attentes des collaborateurs.

Le collaborateur, ce client comme les autres

Nous le constatons au quotidien, les nouvelles technologies ont modifié en profondeur nos relations sociales et notre manière de consommer, de nous divertir, de nous informer. Les candidats comme les collaborateurs ont aussi intégré ces comportements dans leur rapport à leur employeur potentiel ou actuel : comparatif des offres RH des entreprises, volonté de disposer de preuves en lieu et place de promesses de communication, attente de relations plus horizontales avec le recruteur et le manager, rejet des outils traditionnels peu intuitifs et ergonomiques, relation plus consumériste et courtermiste avec son employeur. En résumé, il n’y a aucune raison pour que la réalité RH soit « hors sol » avec la réalité de la vie quotidienne, surtout lorsque les entreprises ne cessent de développer des discours autour du bien-être et de la qualité de vie au travail.

Les RH doivent donc considérer que le collaborateur est un client de leur offre RH, être « user centric » et qu’à ce titre, il est essentiel de développer une approche marketing des RH pour savoir répondre à des attentes non satisfaites, travailler sur l’expérience collaborateur, savoir vendre et pas uniquement concevoir des offres de prestations qui soient individualisées, offrir des outils et des interfaces qui ne soient pas dépassés.

Le double enjeu de transformation des RH

Les Ressources Humaines sont confrontées à un double enjeu : accompagner la transformation de leur organisation et effectuer leur propre transformation. En effet, comment rester un partenaire crédible du business qui se transforme sans montrer soi-même l’exemple ? Comment rester un département attractif auprès des candidats internes ou externes sans remise en cause de son organisation et de ses méthodes de travail ? Comment maintenir sa légitimité dans un COMEX comme contributeur de la stratégie sans vision ni culture de ces nouveaux enjeux ?

Considérer les innovations technologiques comme des opportunités mises au service d’une approche orientée collaborateur ouvre des pistes de réflexions et d’actions. Elles sont nombreuses, je vous propose d’en parcourir quelques-unes, illustrées par des exemples concrets.

  • Des cartographies de compétences plus contributives : faire confiance au collaborateur pour assurer les mises à jour des données le concernant, en fonction de ses dernières missions et formations pour garantir des données mieux exploitables
  • Des outils de mobilité interne plus conviviaux, avec des règles plus transparentes et plus souples, qui laissent davantage d’initiative au collaborateur et soutiennent la promesse d’être acteur de son parcours professionnel
  • Une gestion des datas RH et des outils de reporting conçus aussi pour être des outils marketing au service des RH et des traductions en data visualisation pour que le collaborateur dispose aisément de ses propres indicateurs RH pour se piloter lui-même
  • Des compétences des équipes formation à réinventer : les interfaces immersives, le pair à pair, la diversité des modalités disponibles (MOOC, rapid learning, mobile, vidéo, auto-production, etc.) et l’explosion de nouveaux acteurs de l’Eductech imposent une réflexion sur le rôle et les compétences nouvelles que doivent développer animateurs de formation et ingénieurs pédagogiques
  • Des responsables RH qui pratiquent la veille, la prospective, le benchmark, pour anticiper par exemple la nécessité de recruter demain des pilotes de drones pour surveiller des sites industriels sensibles ne relève plus de la science-fiction
  • Des projets SIRH élaborés en mode Agile avec des collaborateurs et la DSI
  • De nouveaux outils intelligents, pour aider le recruteur à traiter plus efficacement la masse d’informations issue des CV des candidats, ou pour aider le collaborateur à se repérer dans la multitude de formations proposées et trouver très vite celle qui correspond parfaitement à son profil d’apprenant et aux compétences qu’il a à développer

"Le futur est à vos portes et la DRH a tout intérêt à le saisir". C’est ainsi que Christophe Maillet, Vice-Président en charge des offres dédiées à la DRH chez CGI, résume l’opportunité que représente la période actuelle pour les DRH de réinventer leur métier en s’appuyant sur les nouvelles technologies et la transformation digitale. Business partner ET employee partner, concilier l’objectif économique ET l’ambition sociale, gagner en efficacité opérationnelle ET améliorer la satisfaction du collaborateur, sont autant de chantiers passionnants à ouvrir.

Passer d’une DRH fonctionnelle à une DRH relationnelle, c’est considérer ces nouvelles technologies non comme une finalité mais comme des moyens de se libérer de tâches stériles pour passer plus de temps avec les collaborateurs, les écouter, comprendre leurs besoins, trouver des solutions, les accompagner… N’est-ce pas la condition pour que les Ressources Humaines contribuent réellement à la création de valeur