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En matière de gestion de crise, le défi consiste à agir de manière rapide et décisive tout en conservant calme et sérénité. Le pire survient lorsque la pression exercée pour prendre une décision conduit à faire une erreur de jugement. Avec un peu de recul, la ligne à suivre devient plus claire. Cependant, si vous attendez trop longtemps, la fenêtre de tir se referme ; la crise secoue votre organisation et les effets sont amplifiés.

Les réponses sous pression au Covid-19 ne sont plus d’actualité. Nous entrons désormais dans une phase de transition. Le moment est opportun pour faire une pause, réfléchir à ce qui s'est passé et dégager quelques pistes qui peuvent aider à planifier l'avenir.

Dans cet article en trois parties, nous examinerons le Covid-19 du point de vue de la supply chain. Nous commençons par revenir sur la manière dont le virus se propage et ses conséquences sur la supply chain. Ensuite, nous utiliserons la phase de rebond de cette crise comme un exemple concret qui démontre comment l’anticipation de scénarios peut aider à la prise de décision pour les cycles traditionnels de planification des ventes et des opérations. Enfin, nous sommes convaincus que cette crise va accélérer la transformation de la supply chain. Nous reviendrons sur le changement de mentalité auquel nous assistons et comment le jumeau numérique et la tour de contrôle seront les principaux facilitateurs de cette transformation.

Lorsque fin janvier, la nouvelle s’est répandue qu'un virus avait contaminé la province chinoise du Hubei, les responsables supply chain ont d'abord cherché à comprendre leur niveau d’exposition à ce hub (industrie, transport et haute technologie) chinois. Cette situation démontre à quel point l'ampleur de l'interdépendance de nos supply chains est largement sous-estimée et mal comprise. Très peu de responsables supply chain étaient capables de dire si leurs fournisseurs ou le fournisseur de leurs fournisseurs étaient dépendants d'une manière ou d'une autre de la province du Hubei.

La conclusion qui revient souvent avec cette crise, c’est que nos supply chains sont trop dépendantes de la Chine. Il s’agit là d’une conclusion hâtive qui fait l’impasse sur les spécificités des événements liés au Covid-19 et qui fait montre d’un manque de perspicacité, pourtant nécessaire à la conception d’une supply chain solide et compétitive

L'explosion de l’épidémie à Wuhan n’était pas sensée s'étendre à 180 pays ni réduire la demande mondiale dans une mesure comparable à celle que le monde a connu lors de la Grande Dépression. En fait, son apparition aux alentours du Nouvel An chinois a entraîné l'arrêt de la production d'articles pour lesquels la demande n’était plus à l’ordre du jour à leur arrivée dans les pays où le virus s'était déjà propagé. Les usines ferment régulièrement dans les semaines précédant cet événement (qui est tombé le 12 février cette année) afin que les Chinois puissent passer du temps avec leur famille. Les entreprises qui achètent en Chine ont pour habitude de passer des commandes plus importantes dans les mois qui précèdent cette période afin de disposer des stocks nécessaires pour faire face à la fermeture des usines.

À la fin du mois de février, le virus s'était propagé partout dans le monde, avec 84 000 cas confirmés dans 56 pays. L'épidémie s'est aggravée en mars. En dernier recours, des mesures de confinement ont été mises en place pour aplatir la courbe et stabiliser la surtension sur les systèmes de santé. Pendant plus d'un mois, quatre milliards de personnes, soit la moitié de la population mondiale, ont reçu des incitations ou l’ordre de rester à la maison[1]. Les hôpitaux débordant de patients atteints du Covid-19 et les producteurs et consommateurs étant confinés pour ralentir l'épidémie, il y a eu un déséquilibre massif entre les niveaux de l'offre et de la demande dans tous les secteurs de l'économie mondiale.

Le but même de la supply chain est de faire correspondre l'offre aussi étroitement et efficacement que possible à la demande. C'est bien sûr la raison pour laquelle la supply chain a été mise sous les feux des projecteurs pendant cette crise.

Les pratiques standard en matière de gestion de la supply chain passent en revue les périodes passées et y adjoignent des informations commerciales (sur les clients, l’entreprise et ses concurrents) pour créer des stratégies pour l’avenir. Tout au long de la crise, ces pratiques standard n'étaient plus des ajustements de routine pour prévoir, mais plutôt des reconfigurations fondamentales des modèles d'exploitation.

Dans cette crise, la première chose que vous avez remarquée est peut-être la course aux produits de base comme le papier toilette et la farine. L'incertitude liée à la durée du confinement et à la stabilité de l'approvisionnement de ces produits a conduit les consommateurs à acheter des quantités exceptionnelles afin de constituer des stocks. Dans les réseaux de distribution, les stocks absorbent généralement les fluctuations de la demande. Mais pas dans cette proportion. La vision de rayons vides a provoqué des achats de panique, qui ont entraîné au fur et à mesure des ruptures de stock dans les magasins et dans les entrepôts. Le délai de livraison, soit le temps nécessaire pour acheminer les stocks des centres de production vers les supermarchés, crée un décalage entre l'offre et la demande. Il faut du temps pour que l'offre rattrape l’augmentation drastique de la demande qui épuise les stocks dans les réseaux de distribution, car la production doit être programmée, puis les marchandises transportées. La quantité produite à ce moment-là est également cruciale pour stabiliser la demande et l'offre. Une réaction excessive à la quantité vendue au cours de la période précédente, connue sous le nom de l’effet "coup de fouet" (bullwhip), pourrait entraîner des surstocks massifs au cours de la période suivante.

Comme la demande est re-planifiée pour les périodes futures, il est essentiel d’identifier s’il s’agit d’un changement de consommation, d’un changement dans le timing de consommation ou d’un changement qui concerne le canal de distribution et la gamme de produits.

Le papier hygiénique, par exemple, a disparu des rayons. Mais le besoin et la consommation du produit ont-ils réellement changé ? Pas vraiment. Il est donc essentiel de comprendre que la demande pour les périodes futures a été anticipée afin de constituer des stocks de biens ménagers et d'anticiper une demande réduite avec une plus grande propension des ménages à acheter des grandes marques.

Les mêmes principes s'appliquent à l'ensemble du panier de biens ménagers. La farine n'était pas en pénurie parce que les familles cuisinaient davantage à la maison. Au contraire, les sacs grand format habituellement destinés aux restaurants ont dû être reconditionnés et acheminés alors que les magasins étaient en surcapacité.

A suivre…

[1] https://www.euronews.com/2020/04/02/coronavirus-in-europe-spain-s-death-toll-hits-10-000-after-record-950-new-deaths-in-24-hou