Nathalie, maman d'un enfant porteur d'une maladie rare, a dû renoncer à son emploi parce que le suivi médical de son fils n’était plus compatible avec sa vie professionnelle. Elle a alors fondé l'association Vie sociale à nous pour faciliter le quotidien des parents aidants, avant de créer JobInCare, une plateforme pour favoriser leur retour à l'emploi.

Certaines personnes, certains combats obligent, inspirent, donnent des leçons de vie. C'est le cas de Nathalie Darquest. En 2008, administrateur et maman d'une petite fille, sa vie bascule après la naissance de ses jumeaux. L'un des garçons, Ewann, est atteint du syndrome de Prader Willi, une maladie rare qui génère des troubles du comportement et de l'alimentation. Sous le choc, Nathalie voit son univers s'effondrer, son quotidien bouleversé. Tout s'organise désormais autour des rendez-vous médicaux : orthophonie, kinésithérapie, psychomotricité, endocrinologie, hospitalisations régulières pour des bilans… Pour assurer ces soins, Nathalie prend un congé parental, puis tente d'obtenir un aménagement de son temps de travail. Refus de son employeur, et perte de son emploi. Le collectif Vie sociale à nous (qui deviendra association en 2019) naîtra de cette colère, d'un rejet face à l'injustice et du souhait d'aider au retour à une vie sociale les parents aidants.

La « double peine »

"Être parent d'un enfant différent, malade ou en en situation de handicap équivaut à une double peine," explique Nathalie. D'un côté, un enfant qui demande plus de temps, de soins et d'accompagnement, voire à certaines périodes une disponibilité de chaque instant. De l'autre, des employeurs qui intègrent peu ces contraintes et refusent trop souvent des horaires adaptés. L’équilibre familial menacé l’a plongée dans le monde inconnu de l’éducation spécialisée, les institutions d’accueil, les complexités et tracasseries administratives, l'indéchiffrable forêt de sigles et d’acronymes, le fastidieux dossier MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) à remplir trop souvent, les petites victoires et les gros moments de doute… Une situation que connaissent aujourd'hui de nombreuses familles. Soit pour faire face au handicap ou à la maladie physique, mentale ou psychique d'un de ses membres, soit pour venir en aide à un parent âgé et dépendant.

Des parents contraints de quitter leur emploi

En France, quelque 8 millions de personnes accompagneraient un proche malade, en situation de handicap ou de dépendance. Un chiffre qui pourrait encore augmenter, face à la prévalence des maladies chroniques et la modification de la pyramide des âges. Une situation de plus en plus fréquente, donc, mais des entreprises et des administrations qui peinent à s'adapter. Résultat : deux familles sur trois avec un enfant porteur d’un handicap voient l’un des parents contraint de quitter son emploi. Les parents qui renoncent à travailler pour s'occuper de leur enfant connaissent alors d'autres difficultés. "On se retrouve isolé, hors de la société, alors qu'on a d'autant plus besoin de travailler, pour des raisons financières mais aussi psychologiques."  S'intégrer, se réaliser, oublier un instant un quotidien souvent éprouvant… "Quand j'ai essayé de retravailler, impossible de trouver un poste durable. Pourtant, j'ai tout accepté : emplois sous-qualifiés, missions d'intérim, travail de nuit pour pouvoir être auprès de mon fils la journée…"

Au bon endroit, au bon moment

Pour faire bouger les choses, Nathalie lance une pétition en ligne, qui totalise aujourd'hui près de 50.000 signatures. Elle réfléchit aussi à une plateforme, qui permettrait de mettre en relation les parents d'enfants différents et des employeurs prêts à aménager les temps de travail. Faute de compétences numériques, elle ne peut créer ce site d'emplois. Fatiguée et découragée, elle annonce un soir d'octobre 2018 sur Facebook qu'elle arrête tout. L'histoire, pourtant, ne fait que commencer : Jonathan Chevalier, Chef de projet chez CGI, découvre le message. Sensible aux problématiques d'inclusion, il contacte Nathalie et lui propose de l'aider. "Il n'y a pas de hasard, juste des rencontres qui devaient se faire… Avec Jonathan, c'est tout à fait ça. Une belle rencontre, des personnes qui sont là au bon moment, au bon endroit. Ça nous a donné un nouvel élan, un nouvel espoir."

Le coup de pouce de CGI

Deuxième coup de chance, CGI organise alors un programme pour soutenir des projets qui "améliorent le mieux-être des communautés grâce à la technologie". Mais il ne reste qu'une semaine avant la clôture des candidatures. Jonathan parle à son manager de ce projet de plateforme d'emplois adaptés : "il m'a immédiatement soutenu, de même que les équipes de CGI à Rennes. Et grâce au travail en amont réalisé par Nathalie (études, contacts, etc.), nous avons réussi à monter le dossier dans les temps." Le projet remporte le concours, bénéficie aussi d'un accompagnement lors de l’Innovathon organisé par CGI peu de temps après, affine ses fonctionnalités. Parmi les points clés, la gestion du calendrier. Les aidants à la recherche d'un emploi indiquent le type de mission recherché, renseignent leur CV et leurs disponibilités sur trois mois, le nombre d'heures de travail souhaitées par semaine, la possibilité ou non de télétravailler, etc. Quant aux entreprises, elles peuvent consulter les profils des candidats ou proposer directement des offres d'emplois adaptées.

Entreprises, à vous de jouer !

Nathalie transforme le collectif en association et lance donc la plateforme JobInCare en février 2020, "pleins d'espoirs"… Rapidement douchés par la crise sanitaire et la mise à l'arrêt de pans entiers de l'économie. "Nous avons maintenant de nombreux candidats inscrits. Reste à convaincre les recruteurs," explique-t-elle. A l'approche de l'été, l'horizon sanitaire s'éclaircit, accompagné d'un nouvel espoir, de nouvelles ambitions. "La bonne nouvelle, c'est que les confinements ont aussi permis de vérifier que le télétravail fonctionne. Pour des personnes comme nous, c'est idéal pour adapter ses horaires, travailler en fonction de ses disponibilités." "Les entreprises ont vraiment tout à y gagner," renchérit Jonathan. "Elles peuvent s'ouvrir à un vivier de professionnels compétents, motivés, et disponibles immédiatement". Le tout étant entièrement gratuit tant pour les demandeurs que pour les recruteurs.

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