Chez Wakam, l’IA générative est abordée de manière responsable, structurée et pragmatique. Elle s’inscrit dans un projet d’entreprise plus large, au service de la productivité, de la transparence et de l’autonomie des collaborateurs. Plutôt que de tout automatiser à marche forcée, Wakam fait le choix de construire une intelligence collective augmentée, alignée avec ses valeurs et ambitions de long terme. Entretien avec Etienne Debost, Responsable Architecture, Plateforme Cloud et IA Generative chez Wakam.
Comment Wakam a-t-il intégré l’IA générative dans sa stratégie ?
Etienne Debost : Wakam est une compagnie d’assurance B2B2C qui conçoit des solutions d’assurance sur-mesure distribuées en marque blanche. Nous avons réalisé 950 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023 et comptons 250 collaborateurs.
Tech intensive par nature, l’IA générative s’est imposée comme un levier stratégique pour optimiser nos usages internes, tout au long de la chaîne de valeur, depuis le capital qui porte le risque jusqu’aux distributeurs, avec Wakam en tant que plateforme centrale.
Quelle a été votre trajectoire de déploiement ?
E. B. : En 2023, nous avons suivi avec attention l’émergence de ChatGPT et des premiers cas d’usage. Nous avons choisi de mener nos propres expérimentations, en développant initialement une plateforme de chatbot interne. Notre premier objectif était de libérer la connaissance au sein de l’entreprise, en permettant aux collaborateurs d’interagir directement avec les données.
Mi-2024, face à la forte accélération de la qualité des modèles et à la structuration du marché, nous avons décidé de faire évoluer notre approche. Nous avons ainsi intégré une plateforme d’agents IA développée par un acteur français, Dust, qui nous apporte plusieurs atouts :
- Une totale compliance vis-à-vis de la règlementation
- Une protection très forte de la confidentialité des données,
- Une indépendance vis-à-vis des modèles de langage,
- Une intégration fluide à nos différentes sources de données internes,
- Une capacité à industrialiser les cas d’usage tout en favorisant l’autonomie des équipes.
Nous avons adopté une démarche où chaque collaborateur peut concevoir ses propres assistants IA tout en restant en conformité avec les différentes règlementations Cette approche d’intelligence augmentée renforce l’implication et l’efficacité opérationnelle.
Quels résultats avez-vous obtenu ?
E. B. : Depuis le lancement de la plateforme fin 2024 :
- Le taux d’adoption a dépassé 70 % en moins de deux mois,
- Plus de 130 assistants IA ont été créés, dont un tiers par les équipes centrales et deux tiers par les collaborateurs.
Cette dynamique repose sur deux piliers :
- Une mobilisation d’ambassadeurs métiers dans chaque équipe, chargés d’identifier les besoins, de se former et de relayer les usages.
- Une priorisation stratégique des cas d’usage par le top management, concentrée sur les processus offrant le plus fort potentiel de gains de productivité.
Pouvez-vous illustrer cela avec un cas d’usage concret ?
E. B. : L’un des cas emblématiques est lié à notre engagement pour la transparence de nos conditions, en tant qu’Entreprise à Mission. Les produits d’assurance incluent des conditions générales et particulières, souvent complexes et peu accessibles pour les consommateurs. Nous avons entrepris un chantier de réécriture en langage clair de l’ensemble de notre éditique. L’IA générative nous a permis de reformuler ces contenus de manière plus compréhensible tout en garantissant la conformité juridique. Nous avons couplé cette démarche à l’outil LisiScore, qui fournit un indicateur de lisibilité. Grâce à cette boucle de rétroaction, nous avons pu améliorer davantage encore la clarté de nos documents tout en facilitant leur usage par nos distributeurs, nos gestionnaires et nos assurés.
Envisagez-vous d’ouvrir ces usages aux partenaires distributeurs ?
E. B. : Actuellement, nous concentrons nos efforts sur l’optimisation de nos processus internes. Il nous semble essentiel de maîtriser pleinement ces outils et leurs impacts avant d’envisager de le proposer à des partenaires.
Vous avez évoqué un décloisonnement des données et des expertises. Comment cela se manifeste-t-il ?
E. B. : Quelques soit le cas d’usage, nous avons installé comme prérequis l’attention permanente à des exigences de très haut niveau sur les enjeux de sécurité, de confidentialité et de conformité qui s’imposent dans nos métiers.
Voici trois illustrations concrètes de cette transformation :
- Assistant RH : Dès le lancement, nous avons conçu un assistant capable de répondre à toutes les questions relatives aux politiques RH, quel que soit le pays de rattachement. Cette solution a permis de réduire significativement les sollicitations de l’équipe RH sur des demandes simples récurrentes, tout en renforçant l’accessibilité de l’information existante.
- Structuration des données contractuelles : De nombreux contrats ne sont pas générés via des formulaires structurés. Nous avons engagé un travail d’extraction massive de données non structurées, permettant de reconstituer une base exploitable. Cela ouvre la voie à un partage maîtrisé de l’information entre équipes, sans compromis sur la confidentialité.
- Création d’assistants inter-équipes : Certaines équipes conçoivent des assistants pour répondre aux problématiques récurrentes rencontrées par d’autres services. Ces outils remplacent des documents statiques, souvent peu consultés, et participent à diffuser la connaissance de manière plus fluide au sein de l’organisation.
Et la suite ? Quels sont vos prochains défis ?
E. B. : Notre priorité est désormais de consolider la démarche. Cela passe par le renforcement d’une gouvernance toujours plus adaptée aux évolutions et notre capacité à mesurer précisément les gains obtenus, que ce soit en termes d’efficacité, en temps ou en satisfaction de nos partenaires.